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Les "briseurs" de blocus

Publié le par Olivier Millet

Le chapitre naval de la guerre de Sécession comportait deux grandes phases qui se jouèrent quasiment en même temps. La guerre sur les fleuves et la guerre en mer. Pour la partie maritime l'option qui fut mise en place par la marine du Nord fut le blocus des côtes confédérées. Le blocus demeure depuis longtemps une arme utilisée pour contraindre une puissance, n'ayant pas ou peu de répondant naval, à la négociation ou la reddition si son économie est trop asphyxiée pour continuer la lutte. Cette option envisagée par Scott dès le début du conflit offre l'avantage de ne pas porter physiquement atteinte aux villes côtières tout en infligeant des dégâts considérables à l'économie ennemie. Mais la côte Est du Sud comprend 5600 kilomètres de littoral et une centaine de ports à contrôler. Bien qu'une dizaine seulement soient réellement aptes à accueillir de gros navires de commerce. La flotte de l'Union au début du conflit était trop faible encore pour assurer un dispositif étanche, de plus, ne disposant pas de bases arrière suffisamment loin au Sud, les navires ne pouvaient établir un cordon de contrôle que sur une partie limitée de la côte. Les régions les plus australes demeuraient hors de portée. Néanmoins les différentes opérations qui ont conduit à la capture de site important dans les Caroline du Sud et du Nord et en Louisiane permirent de fournir des bases aux navires nordistes et donc d'allonger le blocus jusqu'au Texas.

L'économie sudiste vit ses capacités d'import/export diminuer de moitié, les prix montèrent en flèche favorisant un marché parallèle mais aussi des entreprises dont le but était de traverser le blocus du Nord afin de continuer les activités commerciales avec le reste du monde et amener les denrées et armements dont le Sud avait désespérément besoin. Les navires civils affrétés pour ces missions étaient appelés "blockade runners" ou briseurs de blocus. Plusieurs milliers de navires de toutes tailles et de tous types participèrent à ces tentatives risquées mais payantes. Les navires les plus efficaces furent construits à l'étranger. Ils offraient un profil bas sur l'eau pour diminuer la signature visuelle ; à voile et à vapeur ils devaient être rapides pour échapper aux navires de guerre de l'Union. Ces navires n'étant pas des corsaires ou des navires de guerre n'étaient pas armés (ce qui aurait inutilement alourdi le bateau et conduit, en cas de combat, à des mesures drastiques de la part des navires de guerre de l'union).

Une entreprise risquée mais potentiellement très lucrative

La mission-type d'un briseur de blocus consistait à transporter des balles de coton, traverser la ligne de surveillance nordiste et se diriger vers un autre port, généralement dans les Bermudes, les Bahamas ou à Cuba, afin d'échanger le coton contre des fournitures diverses ou de l'armement. Enfin le navire devait ramener son chargement à bon port et retraverser une seconde fois la ligne de blocus ennemie. Le plus souvent les opérations de franchissement se déroulaient de nuit ou par mauvais temps afin de passer le plus inaperçues possible. Les bateaux étaient parfois peints en gris afin de se camoufler ou en blanc pour passer inaperçus au lever du jour. Fonctionnant à la vapeur ils changeaient de combustible pour éviter de générer des traînées de fumée trop voyantes. Mais la guerre avançant, le nombre de port disponibles diminua et les briseurs de blocus n'eurent guère de choix quant à leur port de destination, ce qui du même coup facilita la tâche des navires nordistes qui savaient où les attendre. Les commandants de bâtiments nordistes avaient même mis au point des techniques pour attraper plus facilement les bateaux qui tentaient de franchir leurs lignes au moyen de navires maniables en avant des patrouilleurs qui envoyaient des fusées pour signaler la présence d'un "contrebandier".

(photo : l' ADVANCE, un forçeur de blocus pris en photo à Nassau en 1863 )

D'une quarantaine de bâtiments en patrouille le long des 5600 kilomètres de côtes sudistes, la marine de l'Union assura une croisière permanente de plus de 150 navires au plus fort de la guerre. On estime que 500 bateaux ont participé à ce blocus et que, malgré les critiques nombreuses au nord comme à l'international, le blocus nordiste eut une influence sur les ressources, les importations de denrées de première nécessité et donc sur la vie quotidienne des habitants du Sud. Comme le blocus en avril 1861 était encore incomplet des régions entières échappaient à tout contrôle naval. Le golfe du Mexique était une zone où les briseurs de blocus opéraient plus facilement à partir des ports de la Nouvelle-Orléans et de Mobile mais en 1862 avec la chute de la capitale de la Louisiane, le blocus devint plus resserré et les briseurs de blocus eurent de plus en plus de difficultés à exercer leur art. Les navires durent opérer depuis le port Texan de Galveston. La chute successive des grands ports sudistes ne ralentit pas particulièrement l'activité des briseurs de blocus qui trouvaient toujours des sites où décharger leur cargaison mais rendait problématique leur ravitaillement ou leur réparation.

Les navires des briseurs de blocus

Le navire idéal pour traverser le blocus aux yeux et à la barbe des marins nordistes devait être avant tout rapide et discret. Les capacités du Sud dans la construction navale étaient réservées à la petite marine de guerre confédérée et les sudistes ont dû faire appel aux privés pour mener à bien ces missions et fournir les bâtiments nécessaires. Les navires trop lents comme les voiliers étaient incapables de distancer les navires à vapeur les plus rapides de la flotte fédérale. Même si ces derniers étaient rares ils pouvaient, en cas de repérage, aisément rattraper les bateaux à propulsion à voile ou les vieux vapeurs. Là encore les sudistes durent faire appel aux chantiers navals étrangers pour construire des nouveaux types de bâtiments au design très particulier aptes à remplir de telles missions. Le Banshee fut l'un des premiers navires répondant au nouveau profil : une propulsion à vapeur récente, un franc-bord bas, une étrave arrondie pour diminuer les vagues, peu de superstructures sur le pont, une mâture basse et démontable au besoin, une peinture grise, noire, bleu foncé pour camoufler le navire dans la nuit, un entrepôt vaste pour accueillir le plus de fret possible, une quille étroite pour gagner en vitesse, une charpente en fer plus solide permettant d'alléger le bateau. Les expérimentations réalisées pour trouver la solution hydrodynamique la plus adaptée au franchissement discret du blocus fédéral permirent à la construction navale anglaise de prendre une avance technologique non négligeable pour l'avenir.

Des compagnies d'import/export comme la John Frazer Compagny qui possédaient une flotte de navires et des relations commerciales étroites en Angleterre notamment furent sollicitées dès le début du conflit pour mener à bien ces dangereuses missions. La marine confédérée acquerra également des navires pour effectuer les missions de ravitaillement clandestines afin de ne plus dépendre entièrement du secteur privé pour assurer l’approvisionnement du Sud. A la fin de la guerre le dernier grand port d'où opéraient ces bateaux fut Wilmington en Caroline du Nord.

Les plus célèbres furent :

Le CSS Sumter de 500 tonneaux le premier d'entre eux qui effectua des missions de briseur de blocus avant d'être transformé en "raider". Le CSS Florida qui fut utilisé comme briseur de blocus puis "raider", le CSS Advance qui réussit 20 missions avant d'être capturé, le CSS Kate construit à New-York effectua lui aussi 20 missions avant de s'échouer vers Cape Bear. Le SS Lynx qui effectua 9 sorties avant d'être détruit par la flotte de l'Union, le SS Laurel qui n'effectua qu'une tentative mais qui survécut à la guerre, le CSS Robert Lee capturé en 1863, le SS Syren qui réalisa le plus grand nombre de tentatives (33)....

Près de 1300 tentatives furent effectuées par les briseurs de blocus et 300 seulement furent réalisées avec succès. On estime à environ 350 le nombre de navires sudistes utilisés pour forcer le blocus, 136 d'entre eux furent capturés et 85 autres détruits. Les briseurs de blocus transportèrent près de 400 000 balles de coton (soit 20% des exportations sudistes d'avant-guerre). On ignore précisément combien d'armes et de munitions furent acheminées dans les ports confédérés par le biais des briseurs de blocus mais on sait que dans les six derniers mois de 1864 ils amenèrent dans les ports de Caroline, 50 000 fusils Enfield, 43 canons et suffisamment de salpêtre pour fabriquer 10 millions de cartouches et 750 tonnes de viande pour nourrir l'armée sudiste de Lee à Petersburg. Malgré le renforcement du blocus, le ratio navires tentant le franchissement et navires capturés fut relativement stable car avec l'augmentation des navires fédéraux autours des ports, le trafic des briseurs de blocus était aussi augmenté par l'arrivée de nouvelles unités. Le nombre de ports disponibles diminuant et l’étanchéité du blocus augmentant, l'activité des briseurs de blocus en fut affectée progressivement au fur et à mesure que l'on s'approchait de la fin du conflit.

à Gauche le CSS Robert Lee (centre historique de la marine, USA ), à droite le CSS Sumter et le Banshee (musée national de Liverpool)à Gauche le CSS Robert Lee (centre historique de la marine, USA ), à droite le CSS Sumter et le Banshee (musée national de Liverpool)
à Gauche le CSS Robert Lee (centre historique de la marine, USA ), à droite le CSS Sumter et le Banshee (musée national de Liverpool)

à Gauche le CSS Robert Lee (centre historique de la marine, USA ), à droite le CSS Sumter et le Banshee (musée national de Liverpool)

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